mardi 21 avril 2015

Lorsque F passa entre mes mains ...

Un petit texte relatant l’un des épisodes marquants de mon année bdsm 2014, limitée par la force des choses et la contrainte de l’éloignement.

Un vendredi de septembre… la grève des pilotes d’Air France a retardé mon retour dans le grand Sud, et je m’apprête à passer mon dernier week-end de l’année à Paris. Qui dit vendredi après-midi dit goûter, mais je m’interroge : le dernier passage à Cris ne fut pas d’anthologie, malgré un excellent moment collectif proposé par Mademoiselle Sophie, dont l’esprit acéré fit quelques victimes. Je sais aussi que les semaines se suivent sans nécessairement se ressembler, et que ce genre de moment vaut surtout par ce qu’en font les participants. Je jette donc un œil distrait sur l’événement FB et là, mon cœur s’arrête… dans la liste des invités ayant confirmé leur présence, ELLE est là. Craignant un mirage comme l’on en rencontre parfois entre mes deux ports d’attache actuels, je ferme et rouvre les yeux, mais le nom est encore là, scintillant au milieu d’un aréopage dont je ne connais que quelques membres éminents.

Cela fait plus d’un an que nous échangeons épistolairement sans jamais avoir pu réellement nous rencontrer. Oh, bien sûr, nous fûmes parfois en présence, mais sans la disponibilité réciproque qui permet une réelle découverte. Une seule fois, une fenêtre s’ouvrit dans cet endroit pourtant souterrain mais fut vite refermée par les arrivées conjuguées d’une pause clope et d’une autre domina de mes amies. Le vertige me guette, je n’hésite plus, chausse mon plus beau latex – ou cuir, vinyle, je ne sais plus vraiment, et me précipite sous terre, en route pour une aventure que je pressens particulière.

La porte s’ouvre, j’effectue ma mue et descend le cœur battant le redoutable escalier qui mène au salon. D’entrée j’aperçois sa pulpeuse silhouette, elle est en plein jeu avec le maître de cérémonie. Je n’ose la déranger et me faufile vers le bar, lorsqu’une voix amusée claque dans mon dos et m’appelle. Je me rends auprès d’elle tellement penaud que j’en oublie de m’accroupir. Nous buvons un verre, devisons de nos vies réciproques, puis le moment tant attendu se précise. Elle fouille dans un sac et en sort un jeu de cordes. Mon cœur cogne dans ma poitrine, je la savais adepte de shibari mais ne la pensais pas attacheuse. Elle m’entraîne vers la première petite pièce à la gauche du bar, où je l’ai vue quelquefois dominer des hommes en rêvant un jour de prendre leur place.

Un bandeau brouille ma vue, les cordes volent autour de moi et m’entravent peu à peu dans une sorte de danse interminable. Régulièrement sa voix suave s’enquiert de mon état. La surprise et le plaisir que je ressens dans les cordes m’envahissent et je me laisse aller. Je devine de mâles et fantomatiques silhouettes qui repartent comme elles sont venues, dans le plus grand silence. Nous rions de ces voyeurs fugaces que nous devinons spectateurs attentifs dans le cas habituellement contraire de la femme attachée par l’homme. Puis les cordes me contraignent, mes jambes se dressent à l’horizontale et je m’envole dans mes souvenirs et mes fantasmes. Celle qui m’offre ce moment est là, tellement proche que je respire sa présence. Des doigts habiles se referment sur mes tétons dardés, m’arrachant des soupirs d’aise, puis ses mains remontent. Elles s’arrêtent à ma gorge, qu’elles commencent à serrer. Je tressaute, la sensation est nouvelle, mais pas désagréable. Le filet d’air qui parvient à mes poumons est suffisant pour que je garde conscience, mais l’abandon est total. Je suis à elle, pour une minute, une heure, l’éternité si elle le veut. La pression se relâche au bout d’un instant qui m’a semblé durer un siècle. Les cordes crissent, mes jambes retrouvent la terre ferme, et nous échangeons à propos de ce délicieux moment.

Plus tard, elle me met dos à elle et me pousse jusqu’au contact de la croix. Mes mains sont à nouveau prisonnières. Je tremble à son contact. Elle joue avec mes cheveux, me flatte comme un animal familier, puis me corrige avec malice dans les limites que nous nous sommes fixées.

J’ai perdu la notion du temps, l’heure du goûter est bien dépassée, le départ est proche et je vais manquer la performance d’une amie que je devais aller voir danser ce soir. Mais je viens de vivre un grand moment grâce à Maîtresse Ô. Qu’elle en soit remerciée par ces quelques mots qui ne peuvent traduire qu’imparfaitement ce que j’ai pu vivre et ressentir.