Un petit texte relatant
l’un des épisodes marquants de mon année bdsm 2014, limitée par
la force des choses et la contrainte de l’éloignement.
Un vendredi de septembre…
la grève des pilotes d’Air France a retardé mon retour dans le
grand Sud, et je m’apprête à passer mon dernier week-end de
l’année à Paris. Qui dit vendredi après-midi dit goûter, mais
je m’interroge : le dernier passage à Cris ne fut pas
d’anthologie, malgré un excellent moment collectif proposé par
Mademoiselle Sophie, dont l’esprit acéré fit quelques victimes.
Je sais aussi que les semaines se suivent sans nécessairement se
ressembler, et que ce genre de moment vaut surtout par ce qu’en
font les participants. Je jette donc un œil distrait sur l’événement
FB et là, mon cœur s’arrête… dans la liste des invités ayant
confirmé leur présence, ELLE est là. Craignant un mirage comme
l’on en rencontre parfois entre mes deux ports d’attache actuels,
je ferme et rouvre les yeux, mais le nom est encore là, scintillant
au milieu d’un aréopage dont je ne connais que quelques membres
éminents.
Cela fait plus d’un an
que nous échangeons épistolairement sans jamais avoir pu réellement
nous rencontrer. Oh, bien sûr, nous fûmes parfois en présence,
mais sans la disponibilité réciproque qui permet une réelle
découverte. Une seule fois, une fenêtre s’ouvrit dans cet endroit
pourtant souterrain mais fut vite refermée par les arrivées
conjuguées d’une pause clope et d’une autre domina de mes amies.
Le vertige me guette, je n’hésite plus, chausse mon plus beau
latex – ou cuir, vinyle, je ne sais plus vraiment, et me précipite
sous terre, en route pour une aventure que je pressens particulière.
La porte s’ouvre,
j’effectue ma mue et descend le cœur battant le redoutable
escalier qui mène au salon. D’entrée j’aperçois sa pulpeuse
silhouette, elle est en plein jeu avec le maître de cérémonie. Je
n’ose la déranger et me faufile vers le bar, lorsqu’une voix
amusée claque dans mon dos et m’appelle. Je me rends auprès
d’elle tellement penaud que j’en oublie de m’accroupir. Nous
buvons un verre, devisons de nos vies réciproques, puis le moment
tant attendu se précise. Elle fouille dans un sac et en sort un jeu
de cordes. Mon cœur cogne dans ma poitrine, je la savais adepte de
shibari mais ne la pensais pas attacheuse. Elle m’entraîne vers la
première petite pièce à la gauche du bar, où je l’ai vue
quelquefois dominer des hommes en rêvant un jour de prendre leur
place.
Un bandeau brouille ma
vue, les cordes volent autour de moi et m’entravent peu à peu dans
une sorte de danse interminable. Régulièrement sa voix suave
s’enquiert de mon état. La surprise et le plaisir que je ressens
dans les cordes m’envahissent et je me laisse aller. Je devine de
mâles et fantomatiques silhouettes qui repartent comme elles sont
venues, dans le plus grand silence. Nous rions de ces voyeurs fugaces
que nous devinons spectateurs attentifs dans le cas habituellement
contraire de la femme attachée par l’homme. Puis les cordes me
contraignent, mes jambes se dressent à l’horizontale et je
m’envole dans mes souvenirs et mes fantasmes. Celle qui m’offre
ce moment est là, tellement proche que je respire sa présence. Des
doigts habiles se referment sur mes tétons dardés, m’arrachant
des soupirs d’aise, puis ses mains remontent. Elles s’arrêtent à
ma gorge, qu’elles commencent à serrer. Je tressaute, la sensation
est nouvelle, mais pas désagréable. Le filet d’air qui parvient à
mes poumons est suffisant pour que je garde conscience, mais
l’abandon est total. Je suis à elle, pour une minute, une heure,
l’éternité si elle le veut. La pression se relâche au bout d’un
instant qui m’a semblé durer un siècle. Les cordes crissent, mes
jambes retrouvent la terre ferme, et nous échangeons à propos de ce
délicieux moment.
Plus tard, elle me met
dos à elle et me pousse jusqu’au contact de la croix. Mes mains
sont à nouveau prisonnières. Je tremble à son contact. Elle joue
avec mes cheveux, me flatte comme un animal familier, puis me corrige
avec malice dans les limites que nous nous sommes fixées.
J’ai perdu la notion du
temps, l’heure du goûter est bien dépassée, le départ est
proche et je vais manquer la performance d’une amie que je devais
aller voir danser ce soir. Mais je viens de vivre un grand moment
grâce à Maîtresse Ô. Qu’elle en soit remerciée par ces
quelques mots qui ne peuvent traduire qu’imparfaitement ce que j’ai
pu vivre et ressentir.
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